Une voiture neuve avec vos nouveaux jeans ? Exposer des voitures dans des centres commerciaux n’a rien de nouveau, mais l’idée séduit de plus en plus les nouvelles marques automobiles, qui s’y installent durablement dans l’espoir de se rapprocher de leur clientèle cible.
Traditionnellement, c’était surtout les concessionnaires qui occupaient pour quelques jours un espace dans les allées du centre commercial de leur région. Vu l’affluence importante dans ces centres, il s’agit d’une façon efficace pour ces commerçants d’attirer vers leurs propres installations des consommateurs qui sont déjà en train de magasiner.
L’ouverture, dans ces mêmes centres, de salles d’exposition — et, dans certains cas, de centres de service entiers — directement par des constructeurs automobiles change la donne. Des sociétés comme Tesla, VinFast et bientôt Lucid Motors ou Rivian sont de plus en plus dans la mire de gestionnaires de centres commerciaux comme Cadillac Fairview.
Durement touchés en 2020 par le confinement imposé lors des premiers mois de la pandémie de COVID-19, les gestionnaires de centres commerciaux tentent depuis de se redéfinir et d’élargir leurs horizons de vente. Ces derniers mois, une incursion dans le secteur des produits alimentaires spécialisés a été faite ; l’automobile électrique est maintenant une autre avenue explorée.
Des autos à la mode
Tesla a ouvert, il y a quelques mois déjà, un nouveau centre régional en bordure des Promenades Saint-Bruno, sur la rive sud de la région de Montréal. La marque suédoise Polestar est également présente dans ce centre commercial. Genesis, une filiale du groupe Hyundai qui souhaite en découdre avec ces deux marques, est présente au Carrefour Laval. La société vietnamienne VinFast a déjà signé un bail au même endroit pour y présenter les véhicules électriques qu’elle espère vendre chez nous à compter de l’automne prochain.
« Vous pouvez vous attendre à en voir davantage, des automobiles, dans nos centres », confirme au Devoir le vice-président aux activités de détail de Cadillac Fairview, Christian Vézina. « Il n’y a aucun doute que nous avons une occasion à saisir. L’expérience qu’on acquiert présentement nous permettra bientôt d’accueillir de nouvelles marques comme Lucid et Rivian. »
Comme la société californienne Tesla, Lucid et Rivian sont des constructeurs américains de véhicules électriques. La mise en marché de leurs premiers produits au Canada débute ces jours-ci. Lucid Motors vient d’ouvrir une première boutique à Vancouver pour présenter la berline Air, une voiture électrique de luxe très performante. Du côté de Rivian, qui se spécialise dans les camionnettes, on prévoit livrer les premiers véhicules au Canada à partir de juillet.
« Nos centres commerciaux attirent déjà un grand public », poursuit Christian Vézina. « Mais pour ces nouvelles marques, c’est attrayant, plus pour accroître leur visibilité que pour finaliser une transaction. » Comme ces constructeurs vendent directement aux consommateurs, ceux-ci n’ont ensuite qu’à visiter leur site Web pour se porter acquéreurs d’un nouveau véhicule, qui leur sera livré par la suite.
Et les concessionnaires ?
Ce modèle de vente directe, qui court-circuite les concessionnaires, est pour le moment surtout l’affaire de certains fabricants de voitures électriques.
Leur présence demeure marginale dans le marché automobile et n’inquiète pas trop le p.-d.g. de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), Robert Poëti, qui rappelle que le Québec ne compte « que 120 000 véhicules électriques sur plus de 4 millions » à l’heure actuelle. « Les centres commerciaux sont une belle vitrine, mais imaginer que c’est la bonne place pour vendre et faire l’entretien d’une automobile, c’est faux », dit-il.
La pandémie et le manque de pièces ont rendu les précommandes de véhicules neufs plus fréquentes que par le passé, et ça se fait bien par Internet, admet M. Poëti. Mais pour tout le reste, les concessionnaires demeurent « le meilleur endroit » où aller, selon lui. « La véritable question est : “Qui va s’en occuper ensuite ?” Même les véhicules électriques ont besoin d’entretien, et leur mécanique est extrêmement sophistiquée. Les concessionnaires sont essentiels pour ça. »
Évidemment, le p.-d.g. de la CCAQ ne désavoue pas le rôle que jouent les centres commerciaux dans la stratégie de marketing de ses propres membres. « C’est une belle forme de publicité », dit-il. Les concessionnaires vont continuer d’exposer dans ces lieux très publics, mais de là à imaginer qu’ils iraient installer leurs centres techniques entre deux boutiques de vêtements, il y a un énorme pas, irréaliste, à franchir, croit-il.
Les gestionnaires de centres commerciaux comme Cadillac Fairview ne s’en formalisent pas. Les relations sont bonnes tant avec les vendeurs d’automobiles actuels qu’avec les nouveaux constructeurs émergents. Et les changements qui surviennent ces jours-ci dans le monde de la mobilité leur permettent de diversifier leur offre et de cibler une clientèle plus large.
« On a un beau succès dans le créneau automobile », confirme Christian Vézina.